Le Train perdu : Dernier exploit de Sherlock Holmes

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Le Train perdu : Dernier exploit de Sherlock Holmes (The Lost train: Last Exploit of Sherlock Holmes) is a French Sherlock Holmes pastiche written by Adrien Vély published in Le Gaulois (No. 16480) on 17 november 1922.


Le Train perdu

Le Train perdu
(Le Gaulois, 17 november 1922, p. 1)

Il vient de se passer à Londres, nous apprend une dépêche, un fait extraordinaire et, peut-on dire, sans précédent. La capitale anglaise vient d'être submergée, pendant soixante-douze heures, par un brouillard si opaque que les habitants se sont trouvés dans l'impossibilité de trouver leur chemin et qu'un train s'est perdu entre London Bridge et New Cross, c'est-à-dire en, pleine ville ou à peu près.

Ce train s'était engagé à l'aveuglette sur une voie latérale. Je sais bien que toute voie est latérale par rapport à celle qui est côté d'elle ; mais il faut entendre que celle-ci n'était pas du bon côté. Conséquence, le train n'arrive point là où il était attendu, et, pendant une journée entière, personne ne sut ce qu'il était devenu. On le guetta, en vain, à Charing Cross, à Victoria, à Waterloo, à Cannon-Street, à Saint-Pancras, à Paddington, bref dans toutes les gares de Londres. Se dirigeait-il vers le pays de Galles ? Filait-il à toute vapeur vers l'Ecosse ? Ou bien était-il tombé dans la Tamise ? Ici interviennent nos renseignements particuliers.

C'était le cas ou jamais de faire appel à la science du célèbre détective Sherlock Holmes. Les autorités supérieures de Scotland Yard n'y manquèrent pas et le chargèrent de la direction des poursuites. Sherlock Holmes demanda quelques heures seulement pour retrouver le train. Et il monta aussitôt dans son auto, accompagné de son fidèle lieutenant, le docteur Watson. Grâce à son chauffeur expérimenté, la voiture put traverser la ville au milieu de la nuit complète qui y régnait, et bientôt elle roula dans la campagne.

Sherlock Holmes restait silencieux. Watson respectait son silence, sachant qu'il ne fallait jamais interroger le grand détective, et que, celui-ci ne parlait que quand il avait quelque chose à dire. Au bout de trois quarts d'heure environ, la voiture s'arrêta, les deux hommes en descendirent, et Sherlock Holmes dit à son compagnon :

- Savez-vous, Watson, où nous sommes ?

- Je n'en ai pas la moindre idée.

- A Epsom...

- A Epsom ?...

- Oui, sur la ligne de London Bridge à Brighton... Suivez bien mon raisonnement, old man... Voilà un train qui s'est dérobé, comme nous disons en termes de turf... J'en conclus qu'il y a de grandes chances pour qu'il se trouve maintenant dans les environs de notre grand hippodrome populaire...

Watson admira une fois de plus la profondeur des déductions du grand homme. Mais Sherlock Holmes s'était, déjà mis en quête. Dédaignant la station et ses quais en éventail, dont les lumières apparaissaient faiblement à travers l'épais rideau de brume, il avait allumé sa lanterne de poche et s'était accroupi vers le sol qu'il inspectait à travers sa loupe, s'éloignant de plus en plus de la gare. Le docteur Watson ne comprenait rien à ce manège. Sherlock Holmes prétendait-il retrouver un train dans un carré de rhubarbes ? Mais soudain, le grand détective siffla doucement et dit au docteur :

- Regardez...

Celui-ci se baissa à son tour et aperçut, à la lueur de la lanterne, comme un ruban d'acier.

- N'est-ce point un rail ? demanda-t-il.

- En effet, répondit l'illustre détective. Et cela me donne à penser que nous sommes sur la voie.

Ils y étaient, en effet, ils la suivirent et aperçurent bientôt la masse imposante d'un convoi arrêté.

- Voilà notre affaire, dit Sherlock Holmes... Voie de garage... Train de marchandises abandonné... Pas de mécanicien sur la locomotive, preuve qu'il est allé chercher du secours... Et voyez, le disque indique que la voie est fermée... Il n'y a pas d'erreur.

Watson était émerveillé. Ils remontèrent dans l'auto et retournèrent à Scotland Yard, où Sherlock Holmes fit son rapport à l'inspecteur Howard.

- Je m'incline une fois de plus, maître, s'écria celui-ci, devant la hauteur de votre génie !... Mais le train perdu n'est pas un train de marchandises... C'est un train de voyageurs... Il a fait un nombre incalculable de fois le tour de Londres... Enfin, grâce à un heureux hasard, il a rencontré une junction qui lui a permis de se diriger vers Marylebone station, où il est garé maintenant.

Adrien Vély