Quelques minutes de conversation avec Conan Doyle

From The Arthur Conan Doyle Encyclopedia

Quelques minutes de conversation avec Conan Doyle (A few minutes of conversation with Conan Doyle) is an interview of Arthur Conan Doyle published in the French newspaper Le Petit Journal on 7 september 1925.

The interview was about the International Spiritualist Congress.


Quelques minutes de conversation avec Conan Doyle

Le Petit Journal (7 september 1925, p. 1-2)

Au Congrès Spirite

Le père de Sherlock Holmès spirite convaincu, a fait hier soir une conférence avec projections de « documents irréfutables. » Cette soirée fut mouvementée...

Je suis allé interviewer Conan Doyle, l'illustre père de Sherlock Holmès, président d'honneur du congrès international des spirites qui s'ouvrait hier à Paris.

Je l'ai vu, hier matin, à la « maison des spirites » dans un coquet hôtel de la rue Copernic transformé provisoirement en « salon » et tout décoré de peintures spirites, inspirées aux médiums par les esprits d'artistes disparus.

Beaucoup d'intellectuels, de professeurs, de savants dans l'assistance égayée, de-ci, de-là, par la toilette claire d'une jeune déléguée. Vingt-quatre nations sont représnetées, me dit-on. On admire un Hindou en costume national, on se montre des Argentins, des Brésiliens qui ont traversé l'Atlantique pour communier avec leurs frères européens dans un même idéal mystique.

Comment Conan Doyle, si précis, dont la puissance de déduction et l'imagination sont également admirables est-il allé du matérialisme au spiritualisme, et de là au spiritisme.

Question troublante que je posai au grand romancier anglais :

- Votre opinion, maître, sur l'existence des esprits ?

Ce géant blond, au visage imposant et sanguin, barré d'une moustache blanchissante, répond, en bon français, en cherchant quelque peu ses mots, comme quelqu'un qui révèle un terrible secret.

- Mon opinion, monsieur, quell importance aurait-elle ? J'ai mieux qu'une opinion. J'ai des preuves tangibles.

- Des preuves ? Vous me donnez le frisson !...

- Je vous ferai voir, ce soir, aux Sociétés savantes, les clichés non encore « exhibés » en public, de mistress Margory, de Boston, la femme du docteur Crandon, le physicien bien connu. Ceux qui auront vu ces clichés ne pourront plus être sceptiques. »

Le romancier reste songeur un instant, puis il reprend :

- Je sais... on a essayé de tourner en dérision certaines manifestations de spiritisme. On leur a reproché leur trivialité. On a tort. Si des spirites assemblés ne sont pas dignes de recevoir mieux que des trivialités, ils ne reçoivent rien autre chose. Si nous recherchons les anges, ils viennent, parce que nous méritons de recevoir des anges. C'est pourquoi je souhaite que soit un jour substitué au mot spiritisme le mot angélisme : car la recherche de l'ange, c'est l'essentiel de notre effort, de notre culte.

» Voila la grande oeuvre qui est la nôtre. nous dirigeons un frais ruisseau d'eau claire et pure dans les malsains marécages du monde ! On s'est moqué de nous pendant soixante ans. La raillerie recule et hésite. Actuellement, il se lève des spirites partout. Ce Congrès est, de cette vérité, une démonstration magnifique. Le monde s'éveille à la lumière. Il comprend que le spiritisme lui apporte des clartés radieuses sur la vie et la mort, qui sont toujours la VIE. Il n'aperçoit le sens et la raison de la destinée. Notre victoire sera totalele jour où, tous les hommes, ralliés à nous et renonçant à nous combattre, se diront à nos côtés « bons spirites, bons angélistes et loyaux soldats de Dieu ! »

Je regarde, étonné, l'homme qui me tient un tel discours. Je cherche à sonder la profondeur de ses yeux bleus. Stupéfaction ! Je n'y trouve nulle malice, nul éclair de raillerie.

Un vers, impérieusement, résonna en ma mémoire :

Et la porte du ciel s'étant entre-baillée.

En effet, ces yeux-là sont vraiment comme deux hublots minuscules ouverts sur l'infini.

Si c'était vrai, pourtant, qu'ils voient voler les anges !...

La séance de l'après-midi

L'après-midi, les congressistes se sont retrouvés à l'Hôtel des Sociétés savantes, rue Danton.

Mais le voilà, le vrai congrès de la Paix !

Tous les discours prononcés, celui du doyen d'âge surtout, M. Léon Denis, sont imprégnés d'une douceur... « évangéliste ». L'établissement de la paix mondiale par l'avènement d'un culte spiritualiste universel, voilà le thème traité par tous les orateurs et il a recueilli d'unanimes applaudissements.

Les Anglais ont tenu à féliciter publiquement M. Léon Denis, pour son livre Jeanne d'Arc médium, ouvrage très estimé chez les spirites.

Puis ce furent les présentations faites par M. Berry et l'on se donne rendez-vous pour la séance du soir, au cours de laquelle sir Arthur Conan Doyle doit faire cette conférence qui s'annonce sensationnelle.