Le Grand Congrès Spirite
Le Grand Congrès Spirite (The Big Spirit Congress) is a song written by Dominique Bonnaud published in the French newspaper Le Carnet de la Semaine on 27 september 1925.
Le Grand Congrès Spirite

Présidé par Conan Doyle et raconté par ma concierge à une de ses amies
CHANSON
Air du compositéur Fernand Heintz de la « Lune Rousse ».
I
Ah! ma bonn' chèr' Madam' Lepic,
Aujourd'hui, vous tombez à pic.
J'arriv' de la ru' Copernic,
Ousqu'y a le grand congrès psychiqu'.
J'ai vu des tas d'apparitions
Et tant de réincarnations
Que j'en ai des palpitations...
Comm' Président,
On avait justement
Fait venir tout express'
L'pèr' de Sherlock-Holmès,
Le fameux Conandoil
C'est un brave À trois poils,
Un typ' qui n'a pas peur...
Tous les esprits frappeurs
Qui rôd'nt autour de lui
Il les photographi'...
Devant nous, sur l'écran,
Et près d'une heur' durant,
Il les a fait tourner.
C'était mieux qu'au ciné...
Pensez c'qu'on doit frémir
Lorsque l'on voit sortir
De la bouch' du mediôm'
Une espèc' de fantôm'
En coton hydrophil'
Qui, d'abord volatil,
Se condens' peu à peu
Et qui — Jésus ! mon Dieu ! —
Prend l'aspect imprévu
D'quèqu'un qu'on a connu...
Apprenez, quant à moi,
Qu'j'ai vu, comm' je vous vois,
Feu défunt mon époux,
Lui qu'était si jaloux,
Et qui m'foutait des coups...
Il est d'venu tout doux,
On dirait un toutou !
Je m'tâtais pour y dir'
« Hector ! tu peux r'venir... »
Mais, puisqu'enfin paraît
Qu'il est bien ousqu'il est,
Il f'ra mieux d'y rester !
Bref, j'ai pas insisté...
J'ai préféré fermer mon bec
Et l'laisser avec Allan Kardec !
De ces faits, pour être témoins,
II
Nous étions trent'-cinq mille au moins...
Il en était v'nu d'tous les coins,
D'l'étranger et mêm' de plus loin !
Y avait des prètres japonais,
Jusqu'à des lamas du Thibet,
Qu'avaient tout en haut d'leur bonnet
Un petit grelot qui sonnait...
Chacun leur tour
Ils ont fait des discours
Que l'on nous traduisait.
Mais le plus grand succès
Ce fut pour le fakir,
Le fakir de l'Empir'...
C'est un beau brun barbu
Dans l'genr' de feu Landru
Ou de Mossieu Bouju,
L'nouveau Préfet d'la Sein'...
Aussitôt qu'i' s'amèn'
On lui met dans la main
Un' grain' de sarrazin...
En un' minute et d'mi'
Il y pousse un épi...
Si — j'vous l'dis en passant —
On en f'sait tous autant,
Nous verrions dès demain
Diminuer l'prix du pain !
Mais tout ça n'était rien...
Croiriez-vous que c't'Indien
S'est fait — oui, mes enfants ! —
Enterrer tout vivant...
Puis, au bout d'quelques heur's,
Nous le vîm's — ô stupeur ! —
Sortir de son cercueil...
Il était frais comm' l'oeil
Mêm' qu'il nous a charmé
D'un p'tit' air de Lakmé !
Mais ça n'est rien encor...
Il a fait bien plus fort !
Sans truc et sans ficell'
Il est monté au ciel
Et n'en est r'descendu
Que lorsqn'on l'a voulu...
Quel succès colossal !
Tout's les dam's de la sall'
Se sont précipitées
Pour le féliciter.
Songez... ma bonn' Madam' ma chèr',
Un homm' qui reste deux heur's en l'air !
III
Mais c'qui m'a donné comme un choc
C'est quand l'pèr' du fameux Sherlock
Nous a prédit l'av'nir en bloc...
Je n'sais pas s'il bat la berloqu'
Ou s'il lit ça dans les étoil's,
Mais ce bon Môssieu Conandoil,
Si c'est vrai tout c'qu'i' nous devoil',
J'en ai des frissons dans les moëll's !...
D'après c'qu'il dit,
Et si j'ai bien compris,
Paraît qu'd'ici trois ans
Y aura des évén'ments!...
— Il n'sait pas très bien quoi —
Mais près desquels, ma foi,
La guerr' qu'on a-z-évu
S'ra d'la crott' de zébu !...
Ah ! N... de D... ! l'salaud,
Il n'est pas rigolo...
Figurez-vous que d'puis
Je m'demand' jour et nuit
Quels seront ces malheurs ?
L'augmentation du beurr' ?
Un ministèr' Loucheur ?
Le retour à Paris
D'Cora Laparceri' ?...
Ou un nouveau roman
De M'sieur Abel Hermant ?...
Ou tout aut' choléra
Qui nous empoisonn'ra!...
Tout's ces histoir's, vraiment,
Ça n'est pas rassurant...
Comm' tout l'mond' dans la foul'
J'avais la chair' de poul'.
Henreus'ment, mon voisin,
Une espèc' de rapin,
Qui rigolait tout bas,
M'a dit : « N'vous en fait's pas,
Madam', rassurez-vous,
Et n'coupez pas, surtout,
Dans tous les boniments
De c'bon Monsieur Conan ! »
Puis il ajouta — non sans esprit —
« Au fond, tout ça c'est des Conân'ri's... »
- Dominique BONNAUD.